Ashley poussa un gros soupire tout en reposant sa raquette sur un banc. «
Je comprend pas que tu m'en fasses tout un foin maintenant. Je t'ai jamais caché que je voulais partir d'ici, ça n'a jamais rien eut d'un secret. Tu t'attendais à quoi ? » Il attrapa sa bouteille d'eau et l'ouvrit, ses gestes se faisant saccadés de par la frustration qu'il ressentait. Il porta le goulot de la bouteille à ses lèvres et but quelques bonnes gorgées d'eau avant de s'essuyer la bouche d'une main. Il était en sueur et sortait tout juste d'un cours de tennis. Il était fatigué, une bonne dose de fatigue et il ne se sentait pas franchement l'humeur de supporter une dispute. Il allait déjà passer une soirée peu plaisante, ses parents ayant invités pour le dîner un couple d'amis et leur fille, l'une des familles les plus chiantes qu'Ash ait rencontré de toute sa vie et il n'avait pas besoin de plus. Il avait envie qu'on le lâche un peu et que sa copine en rajoute, ça le gonflait vraiment. «
Et toi ? Tu t'attendais à quoi ? » Ashley fronça les sourcils. Euh,
duh, à ce qu'elle comprenne ? Il n'avait jamais pris la peine de le cacher. Il ne voulait pas rester ici. Il ne voulait pas que ce monde ce limite à cette ville, à une mère envahissante et à devenir prof de tennis pour des gamins. Il voulait plus, il avait toujours voulu plus et il n'avait jamais dissimulé cette intention à Georgie. Il avait toujours rendu ça très clair et voilà que d'un coup elle avait l'air de tomber des nues. Et il lui en voulait de réagir ainsi. Il avait l'impression d'avoir limite sa mère devant lui actuellement et ça n'avait vraiment rien d'un compliment. Il poussa un gros soupire. «
On est ensemble, Ashley ! On forme un couple, alors dis moi, à quelle réaction tu t'attendais de ma part ? » L'intéressé se mordit la lèvre tout en attrapant une serviette disposée sur le banc à côté du reste de ses affaires pour essuyer son visage avec. «
Je m'attendais à ce que tu comprennes » dit-il simplement avant de passer la serviette sur son visage. Une fois que ce fut chose faite, il la laissa retomber autour de son cou. «
J'ai toujours été clair là-dessus. Je ne peux pas rester ici, j'ai besoin de partir et là en plus, j'ai une véritable opportunité, je ne peux pas laisser ça passer » non, on lui tendait enfin une main susceptible de le sortir de là et il n'allait décemment pas la repousser simplement pour faire plaisir aux autres. Sur ce coup-là, il n'avait pas peur de le reconnaître, il ne voulait penser qu'à lui. Après tout il était question de
sa vie là, ainsi que de, quelque part, sa santé mentale. Il n'allait définitivement pas réussir à supporter sa mère au quotidien bien longtemps encore. Non il lui fallait décamper, il en avait la certitude. «
On devrait pouvoir en parler ensemble » Ash braqua son regard sur le visage de Georgie. Ils sortaient ensemble depuis quelques mois et il l'appréciait sincèrement. Il n'était guère doué pour maintenir un couple, mais elle lui plaisait. Comme lui, elle avait un truc pour le sport en général et il faut croire que ça les avait réuni, mais aux yeux d'Ashley, elle manquait cruellement d'ambition. Il aurait que comme lui, elle aime à parler de s'enfuir, de découvrir le monde au delà des limites de la ville car leurs existences ne pouvaient pas être juste
ça. Mais ce n'était pas le cas. Elle ne désirait rien de tel ou du moins elle ne formulait pas. Après tout, ils n'étaient pas forcés d'être séparés malgré le départ imminent d'Ashley. Elle pouvait très bien choisir de voyager un peu et d'être avec lui. Franchement, l'avait-elle seulement envisager avant de décréter qu'il était celui qui devait rester ? «
On peut en parler, bien évidemment, mais je ne changerais pas d'avis. » Voilà qui avait le mérite d'être clair.
≈ ≈ ≈
«
Je n’aime pas beaucoup ça. » Souffla Anne Ren pour la énième fois. Ses longs cheveux bruns étaient retenus en un chignon strict et elle portait par dessus une robe en soie bleue un long manteau d’hiver par dessus lequel elle avait croisé ses deux bras. Elle avait l’air foncièrement préoccupé et peu encline à laisser partir son fils de dix-huit ans, fils qui ne demandait que ça. «
Maman » lâcha Ashley Ren, las. «
On a un marché, tu m'as dis que tu étais d'accord » il crevait d'envie de grimper dans cet avion. Sa mère s'était mise à jouer avec une mèche de cheveux brune qui s'était échappée de son chignon. «
Anne, ça va être l'heure, il faut qu'il y ailles » intervint monsieur Ren, un grand homme brun au visage doux. Mike Ren était l'un des meilleurs pédiatres du coin et tous les enfants l'adoraient. Il savait gérer tant les parents que les enfants et sa femme et son fils ne faisaient guère exception. Moins protecteur que sa femme, bien que tout aussi aimant, il comprenait le besoin de son fils de s'échapper un peu pour mieux se trouver. En son fort intérieur, il espérait que son fils allait voyager, s'ouvrir à de nouvelles expériences, avant de leur revenir tout naturellement. Il avait essayé d'expliquer ce point de vue à cette femme la veille au soir alors qu'elle angoissait d'ores et déjà à l'idée de la séparation du lendemain mais il n'avait guère rencontré de succès. Anne demeurait pétrifiée à l'idée de ne voir jamais son petit garçon revenir près d'elle. «
Les avions ne sont jamais aussi ponctuels. » «
Anne. » Le père et la mère échangèrent un regard silencieux tandis qu'Ash attendait, un bagage en cuir marron à la main. Au bout de quelques secondes, Anne obtempéra légèrement de la tête. Monsieur venait de gagner la bataille. «
D'accord. Viens-là » dit-elle, faisant signe à son fils et il n'eut pas le temps de faire un pas qu'elle avait déjà réduit l'espace entre eux pour venir l'étreindre. Ashley se laissa faire, la serrant doucement contre lui. «
Tu vas tellement me manquer » Ash se mordit la lèvre. Il n'en doutait pas. Sa mère avait cessé de bosser après sa naissance et avait toujours été sur son dos. Elle avait toujours eut ce besoin visiblement viscéral de le materner, de le contrôler, quitte à l'étouffer. Elle était compliquée, directive et elle s'évertuait toujours à dépeindre une image de perfection, une habitude qui menaçait de rendre son fils barge s'il ne s'esquivait pas. «
Tu vas me manquer aussi » murmura-t'il et il le pensait. Elle l'énervait, elle l'insupportait, mais il ne doutait pas qu'il allait avoir des coups de blues. Au bout de quelques instants, mère et fils se détachèrent l'un de l'autre, laissant Mike embrasser son fils à son tour. Et voilà, les au-revoir étaient passés. «
Tu nous passes un coup de téléphone, dès que tu arrives, d'accord ? » Ashley obtempéra de la tête avant de commencer à s'éloigner. Au bout de quelques pas, il se détournait, cessant d'observer ses parents, tout en sentant leurs regards respectifs braqués sur lui. Il passa des portillons et eut tout juste le temps de saluer une dernière fois de loin ses parents avant qu'ils ne disparaissent de son champ de vision. Et voilà. Il était parti.
≈ ≈ ≈
«
C'était vraiment un super match » souffla une ravissante brune dont la robe moulante déjà bien courte n'avait de cesse de remonter, menaçant d'exposer au petit groupe le charmant derrière bien bronzé de sa propriétaire. «
Merci beaucoup » répondit Ashley Ren d'une voix un brin caressante tout en désignant du coin de l'oeil la place vide à côté de lui sur le canapés en cuir où ils se trouvaient pour l'heure assis. C'était un de ces moments devenus somme toute plutôt
lambda pour lui. Ils se trouvaient dans un loft dans les hauteurs de Manhattan et dont les murs étaient presque intégralement constitués de baie vitrée, offrant une vue saisissante de beauté sur la grosse pomme. La première fois qu'il avait vu New York de nuit, rehaussée par toutes les couleurs bouillonnantes de vie, Ashley avait été brièvement subjugué et emplit de l'impression fulgurante d'être incontestablement heureux. C'était là définitivement ce qu'il voulait pour sa vie : se faire couper le souffle comme ça, en se retrouvant face à de tels spectacles. Aujourd'hui, New York de nuit, lui faisait moins d'effet, mais c'était désormais plus par habitude qu'autre chose. Rien ne se compare au New York qu'on voit
pour la première fois. «
D'où est-ce que tu viens toi, déjà ? » Ash se mordit la lèvre en songeant à la ville dans laquelle il avait grandit. Il songea à ce coin du monde qui avait le don de l'ennuyer terriblement. Ce n'était pas si laid, mais ça lui avait toujours fait l'effet d'être vraiment incroyablement fade et d'autant plus après avoir goûté à une vie si surprenante. Sa vie avait tellement changé, dans le bon sens du terme. Tout aurait pu facilement déconner pourtant. Il était parti alors qu'il flirtait encore avec la majorité et il aurait pu se ramasser. Il aurait put devoir rentrer chez lui, au bout de quelques mois, avec un sentiment d'échec particulièrement cuisant. Ca aurait pu ne pas marcher et qu'aurait-il pu faire d'autre que rentrer chez lui ? Il n'aurait pas eut le choix. Mais ça avait marché. Il avait rencontré les bonnes personnes dès le début et ses personnes avaient sut le conseiller pour atteindre les objectifs qu'il avait au préalable clairement fixés. Il avait accordé sa confiance et il ne s'était pas trompé. Il avait réussi. Eureka Spring, il en était désormais bien loin. «
Aucune importance. »
≈ ≈ ≈
Il avait eut envie de chialer durant tout le vol. «
Ca va, mon coeur ? On devrait être à la maison dans un quart d'heure, tu vas pouvoir t'allonger » il ne répondit pas, feignant d'être à moitié endormi dans la voiture, comme quand il était gosse et qu'ils partaient sur la route durant plusieurs heures. Elle n'y était pour rien bien sûr, ce n'était pas sa faute si un accident lui avait mit les deux bras dans le plâtre, mais il n'empêche qu'il n'avait vraiment pas envie de lui faire la conversation. Il se sentait tout bonnement furieux et elle n'aidait vraiment pas pour ce qui était de parvenir à étouffer la colère qui n'avait de cesse de gronder en lui. Quand il avait vu ses parents débarquer à l'hôpital, tout essoufflés et leurs fronts plissés par l'inquiétude, il avait d'abord lu de la peur et de la compassion sur leurs visages. Et puis il avait surpris quelque part dans l'expression de sa mère également du soulagement. Car elle venait de comprendre ce qu'il avait d'ores et déjà compris et qui lui minait le moral : il rentrait à la maison, au moins pour quelques temps. Ashley avait toujours ressenti l'inquiétude de sa mère. Elle se faisait en permanence du soucis et le voir partir à l'autre bout du monde à dix-huit ans, ça ne lui avait naturellement pas plut des masses. Elle avait tenté de le convaincre de rester, mais finalement elle n'avait réussi qu'à exiger de lui qu'ils passent les voir plusieurs fois dans l'année. Elle l'avait vu prospérer, briller, dans sa vie professionnelle, mais une part d'elle avait toujours indubitablement réticente. Comme si chaque victoire contribuait à éloigner son fils d'elle. Maintenant, il avait les deux bras plâtrés pour plusieurs mois, ce qui signifiait qu'elle retrouvait son petit garçon pour cette durée au moins. Un petit garçon sérieusement diminué avec ça. A l'hôpital, il avait passé près d'une demi-heure à essayer de s'habiller seul avant d'enfin accepter qu'on vienne l'aider. Comme si ce n'était pas suffisamment frustrant pour lui d'être rameuté dans la ville de son enfance, la ville qu'il avait tellement voulu quitter, il fallait en plus qu'il y revienne ainsi, comme prisonnier de son corps. Il se faisait véritablement l'effet d'être handicapé. Même plus capable de s'essuyer le derrière tout seul, voilà à quel point il était dépendant de son entourage. Et ça l'insupportait.